mercredi 23 août 2023

Perdition et survie

   Tout enfant abandonné, physiquement ou mentalement, qui a survécu à la proximité des parents toxiques ; est placé sous la protection de l’État : on les appelle « pupilles de l’État ».

   C’est là un titre moins glorieux que « pupille de la Nation ». Ces derniers ont l’admiration de la nation pour service rendu ; l’enfant a perdu ses parents « en service commandé ». La nation se doit de leur rendre les honneurs en prenant bien soin d’eux…

   Le « pupille de l’État », donc, n’est rien d’autre qu’un détritus que la société n’ose mettre sur « le banc des accusés », en l’état… Cela se fera assurément plus tard ; mais pour l’instant, la société place « l’épée de Damoclès » au-dessus de sa future victime désignée… A la moindre incartade, on ressortira des dossiers plus ou moins arrangés pour faire du pupille de l’État le fameux « paria de circonstance »…

   Tout enfant abandonné, physiquement ou moralement, est placé dans un « foyer pour l’enfance ». En ce lieu, quelques-uns seront placé dans des familles d’accueil pour y être « éduqués » ou « dressés » comme il me plaît de le penser ; une petite minorité seront « peut-être » adoptés par des couples et la majorité resteront dans ces enceintes fermées au monde…

   Dans ces enceintes, je ne saurais dire ce qu’il s’y passe de nos jours. Connaissant la nature humaine pour ce qu’elle est, et les moyens mis sur « l’aide à l’enfance », mes sentiments sont lourdement teintés de craintes…

   Je me souviens de bribes de mes passages dans ces enceintes d’État… On en ressort marqué…

   Mais là n’est pas le sujet.

   Je voudrais seulement dire que chaque enfant devenant un adulte, possède un dossier. Ce dossier étant établi dès l’entrée de l’enfant dans l’enceinte d’État, il ne lui est pas remis à sa sortie… Il n’est même pas informé de l’existence de ce dossier…

   Devenu adulte, l’enfant de jadis apprendra par lui-même, s’il est un tantinet curieux, qu’un dossier existe sur les traces de son passé… La démarche pour se le procurer est un vrai parcours d’obstacles dans l’administration ; et cette dernière défend farouchement les informations qu’elle a accumulée.

   J’ai mis presque une année entière pour me procurer mon dossier, et ce trente ans après ma majorité… Il m’a été remis en présence d’une personne avec laquelle j’ai du m’entretenir une bonne heure avant d’avoir l’autorisation d’emporter la copie du dossier, dont certains passages ont été « calfeutrés » pour protéger non pas l’ex-pupille de l’État, mais les belligérants impliqués dans une histoire glauque.

   Parfois je lis quelques passages de cet amas de photocopies : résultats de jugement, de psychiatrie, d’observations médicale, de courrier échangés entre la famille d’accueil et l’enfant, observations d’éducateurs, etc.

   Un amas de mots qui s’entassent sur du papier, des dates insignifiantes… à première vue.

   C’est surtout un point d’ancrage pour moi. Les monceaux de souvenirs sont souvent soumis à ma critique, à ma propre incrédulité au point où je ne sais plus faire la part des choses entre ce qui fut, ce qui est, ce qui sera…

Ces papiers photocopiés sont des « ancres », et ouvrent des portes que j’avais scellé pour me préserver…

   Les pupilles d’état ont besoin d’exister. Quand on n’a pas de passé affectif, émotionnel, on essaie de se raccrocher à quelque chose pour essayer d’exister, cela fait de d’eux des proies faciles en ce monde impitoyable… Ils apprennent donc par eux-mêmes à se défendre : certains choisissent la violence, d’autres la fourberie ou le mensonge, d’autres s’orientent vers la soumission à l’autre ; et d’autres enfin préfèrent la fuite afin de se protéger…

   « L’amour » que la société inculque dès l’enfance, aux travers des contes et histoires, n’est pas un outil de survie ; quand bien même il en serait un, les pupilles de l’état en sont privés. Hors, dans la position d’un enfant sans parent confronté au monde hostile, il s’agit de survie et non de vie… 

   L’amour est une donnée naturelle dans une relation naturelle. Dans une relation contre nature, le concept d’amour est aussi contre nature ; c’est ainsi que les personnes qui débutent dans ce monde « commun » ont du mal à assimiler le concept d’amour, et encore plus de l’appliquer… C’est donc une forme d’handicap dont ils sont affublés, en plus du regard critique de la société sur leur statut !

   Alors pour les personnes de ce piètre statut social : sachez que votre « ancre » est minutieusement cachée par ceux qui ont supervisés votre pseudo éducation… Vous devrez ramper, faire des courbettes et vous soumettre une fois encore au bon plaisir des « hautains » pour qu’on vous accorde le droit d’emporter votre ancre tronquée  !…

   Ne vous laissez pas haler par les beaux parleurs qui, pour vous berner, vous conterons des paroles douces et accommodantes en prétextant qu’ils vous comprennent ; ou que "ça passera" malgré tout, au fil du temps…

   Renoncez à l’idée que vous êtes à la portée de compréhension des gens communs. Vous êtes "à la lisière du monde"...

   Tout navire a besoin d’une ancre pour ne pas être en perdition ; certes… Alors, lorsqu’un marin perd l’ancre de l’esquif : il en change !

   Ne restez pas en perdition !...


"Til it happens to you" Lady gaga




vendredi 18 août 2023

L'émotion et l'âme

"Blade runner" de Ridley Scott (1982)

   Les émotions me posent un problème. Leurs absences ou leurs altérations me rendent confus.

   Le consensus sur l’espèce humaine est de dire que l’Homme est un animal émotionnel ; comme la plupart des mammifères de cette planète, sans aucun doute (n’en déplaise aux créationnistes !).

   M’est-il permis de penser qu’un humain avec des émotions altérées n’est plus vraiment humain ?

   En prenant l’exemple du film de Ridley Scott sortit en 1982 : « Blade runner »… L’histoire de cette fiction est que les humains créés des androïde-esclaves d’apparence tellement humaine qu’il faut un test d’émotion pour les repérer… En voulant créer l’androïde à l’image de l’Homme, les humains ont dus incorporer une base émotionnelle à ces esclaves biomécaniques pour essayer de les stabiliser dans leurs comportements.

   Laissons cette fiction de côté et reprenons le thème commun de ces deux facettes de pensée… Avec ses centaines de milliers d’années d’existence, l’Homme devrait être d’une stabilité à toute épreuve sur le plan émotionnel, faisant de lui « un être supérieurement émotif »…

   Toutefois, parmi l’espèce homo-sapiens, il semble exister des personnes émotionnellement instables. Difficile de dire dans quelle proportion ces créatures se trouvent. J’use du mot « créatures » car on peut assurément douter du statut d’humain de ces dernières… Ces créatures, donc, rejoignent d’un certain point de vue, la situation fictive des androïdes biomécaniques de « Blade runner » : est-ce l’émotion qui connecte à l’âme ; ou l’âme qui connecte à l’émotion ?

   Dans le film de fiction comme dans la vie contemporaine, ce sont les concepteurs qui sont responsables de la qualité de la base émotionnelle, selon moi. L’instabilité se répand ensuite en fonction du milieu évolutif de la créature. Pour survivre dans ce conflit d’émotions et passer inaperçu aux yeux de ces humains inquisiteurs, seul le mime est salvateur un temps ; jusqu’à ce que l’on tombe sur un test émotif…

   Les personnes semblant humaines avec une altération émotionnelle ont-elles une âme ? Possèdent-elles une « humanité » ?

   Avec une autre approche de questionnement : ceux et celles qui bidouillent la base émotive de leurs « jouets », de leurs « esclaves » ; leur ôtent-ils la capacité de devenir humain ? La société doit-elle se retourner contre ces aberrations génétiques, ou les assimiler ; et se retourner contre les concepteurs desdites altérations souvent volontaires ?

   J’avoue que ces questionnements ne sont pas juste le fruit d’un jeu de la pensée. Ils m’imprègnent depuis que j’ai appris à réfléchir et mes capacités intellectuelles ne me permettent pas de trouver un semblant de réponse.

   Ce que je retiens de tout cela est que, comme dans le film, le sentiment de solitude est immense quand on dépasse le simple fait de mimer les autres… Une solitude terrible que certainement la plupart des humains n’imaginent pas...


Le pourfendeur de monstres

     Dans tout conte pour enfant on a les éternels protagonistes du « bon » et du « méchant ». Il importe peu de les présenter dans un ordre...