mercredi 24 avril 2024

Le pourfendeur de monstres

 


   Dans tout conte pour enfant on a les éternels protagonistes du « bon » et du « méchant ». Il importe peu de les présenter dans un ordre quelconque, tout auditeur ou lecteur, quel que soit son âge, cernera « qui » est « qui »…

   On présente toujours le « bon » comme un être gentil, innocent, naïf, voire un peu con à l’entendement, vivant dans un monde de bisounours où la vie est tellement belle que les recommandations à la prudence des anciens semblent caduques. D’ailleurs on ne saisi pas trop l’idée de « prudence » dans un monde parfait et doux… Quels rabat-joies que sont les anciens !

   Le « méchant », quant à lui, ben il est foncièrement mauvais, se délectant de sa méchanceté et raffolant de l’effroi qu’il procure. D’où il sort, quel est son cursus ; le narrateur s’en tape : le méchant est méchant, un point c’est tout !

    En toute logique, l’affaire devrait être réglée en deux temps trois mouvements : le gentil niais n’a aucune chance contre un méchant aguerri à occire ses innombrables proies…

   Mais voilà que dans chaque conte, y a un traînard qui s’invite avec nonchalance : le « pourfendeur de monstres » ! Ce type là est assez badasse pour l’emporter sur n’importe quel monstre, mais allez savoir pourquoi il n’est ni casé, ni en paix : à croire qu’il foule les sentiers juste pour croiser le « bon »…   Et quand il le croise, le « pourfendeur de monstres » se loue pour argent sonnant ; comme si le type était un S.D.F. faisant la manche : « z’auriez pas une petite piècette, M’sieurs Dams, pour que j’puisse m’payer une p’tite pichette de vinasse ?…

   Sans déconner, mais que font les « pourfendeurs de monstres » à passer leur existence à croiser par inadvertance le bon qui suit les papillons roses ?… Vous allez me sortir l’excuse bidon du genre : « Oui méééé… le « pourfendeur de monstres » ne trouve pas sa place dans ce monde de bisounours (où il n’est pas censé y avoir de monstres), alors il bouge !...

   Bref… V’là encore un conte à dormir debout ! A moins que nous ayons négligé (volontairement?) une question primordiale : sommes-nous sûr de pouvoir désigner le monstre de l’histoire sans nous tromper ?

   Je suis persuadé que tout est histoire de « point de vue ».

   Prenons le point de vue du « bon » : ben, comme le « bon » est « bon » tout individu qui le contrarierait est forcément un « méchant » !  Alors que du point de vue du « méchant » : tout individu qui le contrarierait est forcément « méchant » !

   Vous allez sûrement rebondir avec : « le pourfendeur de monstres », lui, connaît son affaire ; puisqu’il ne peut pas pourfendre autre chose que des montres !

   C’est là qu’on réalise que la narration est biaisée dès le départ : on nous présente le « bon » avec son joli « background » ; alors qu’on nous cause jamais de celui du « méchant »…

   Du coup, le couillon de « pourfendeur de monstres » (qui ne lit jamais le scénario) prend toujours partie pour le « bon-mauvais », et jamais pour le « mauvais-bon »…

   Mais alors, qui pourfend-t’il finalement ?...


2 commentaires:

  1. Parfois, les « pourfendeurs de monstres » ne sont pas nécessaires. Par exemple, dans Hansel et Grethel, un des contes traditionnels européens réécrits par les frères Grimn, les bons sont clairement les deux enfants et ils réussissent à échapper à la mort sans aucune aide. Ce qui prouve que, parfois, la ruse et la solidarité permettent de s'en sortir.
    Mme Chapeau.

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  2. Ben oui, mais les contes font leur boulot de contes ! Qu'est-ce qu'on deviendrait si un conte se mettait à évoquer la réalité ! Ça ressemblerait à la tristesse et l'ennui. Plus de merveilleux, de surnaturel, de monstre, et autres chimères. Imagine un inconscient collectif en déconfiture !
    En atelier d'écriture j'ai appris le processus de transformation de tout conte :
    État initial --> force perturbatrice --> déséquilibre--> action réparatrice--> état final
    et roule ma poule, les enfants adorent ça ! Projection assurée !
    Mais c'est aussi intéressant quand le « pourfendeur de monstre » se fait monstre lui-même. Un nouveau rebondissement et c'est reparti mon kiki !

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Le pourfendeur de monstres

     Dans tout conte pour enfant on a les éternels protagonistes du « bon » et du « méchant ». Il importe peu de les présenter dans un ordre...